Ana-Belén Montero

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Des artistes… en toute discrétion ?

Vous n’arrivez pas à parler de vos créations, à parler de vous, à vous « vendre » ? Vous ressentez une espèce de pudeur, un étrange malaise lorsqu’il s’agit de vous placer sous le feu des projecteurs ?

Vous êtes très nombreux.ses à me faire part de ces difficultés. Comme si vous exprimer était le signe que vous vous preniez pour quelqu’un d’autre. Comme si vous vous vantiez et que cela n’est pas bien…

Si vous êtes confronté.e à ces sentiments, vous aurez déjà constaté que cette croyance vous limite dans vos fondements mêmes et limite par conséquence vos capacités de communication. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons la dépasser !

En effet, moi aussi j’ai éprouvé pendant des années ce même sentiment. A chaque fois que je parlais de moi et/ou de mes œuvres, je me sentais mal à l’aise, stressée, comme si je me prenais pour quelqu'un que je n'étais pas. Si vous me connaissez, vous savez que, aujourd’hui, c’est avec plaisir que je prends la parole en public, ou dans les média, je publie, je me filme en vidéo, etc. Pour y arriver, il m’a fallu passer par une prise de conscience profonde qui a modifié mes pensées et mes émotions et qui m’a permis de mieux assumer ma personnalité. Si j’ai pu y arriver, vous le pouvez aussi !

Interview sur TVLUX pour l’émission “RDV chez nous” en 2018 (Lien vers l’émission ici: RDV chez nous)

Au début de mes questionnements à ce sujet, je croyais que je souffrais par moments du syndrome de l’imposteur. Vous en avez certainement déjà entendu parler. Nous en ressentons souvent toutes et tous les effets, suivant les contextes dans lesquels nous évoluons. Mais en travaillant sur moi-même, je me suis rendu compte qu’il y avait autre chose dont personne ne parlait : la discrétion.

Vous êtes étonné.e de lire ceci et je vous comprends. Et pourtant, si vous y réfléchissez bien et que vous posez la question à votre cœur, peut-être réaliserez-vous que, comme moi, ce mot résonne étrangement en vous.

La discrétion est perçue comme une vertu dans notre culture où les femmes « bien » se doivent d’être discrètes. Et malgré l’évolution des mentalités, c’est une vertu très souvent genrée et/ou liée à un certain niveau social et culturel. (*)

Alors, je vous invite simplement à vous poser la question : la discrétion, est-ce une valeur qui m’a été inculquée dans mon enfance ? Etait (ou est)-elle valorisée dans mon milieu ? Est-ce qu’on m’a persuadé.e que m’exprimer signifiait être prétentieux.se ?

Je ne sais pas vous, mais pour moi et pour beaucoup d’entre nous, artistes ou pas d’ailleurs, la réponse est oui, oui, oui. Alors même que certains modèles mondialement admiré.e.s véhiculent des valeurs totalement contraires. Nous sommes en pleine schizophrénie.

En grandissant, nous avons intégré cette valeur comme étant nôtre. Pour certain.e.s, elle correspondait bien à leur personnalité. Pour d’autres non, et comme dans mon cas, nous en avons souffert. Car nous ressentions que la société ne nous accepterait qu’à la condition que nous incarnions la discrétion qui correspondait à notre genre ou à notre environnement. Car une femme qui s’exprime sans la discrétion qui, d’après les valeurs de notre culture, devrait être la sienne, est perçue comme suspecte, voire dangereuse.

Pour beaucoup de femmes, cette situation engendre bien évidemment des frustrations. Nous avons aujourd’hui investi la sphère publique, les milieux académiques et professionnels. Nous souhaitons avoir une place dans la société à égalité de droits avec les hommes. Et dans les non-dits, dans l’inconscient collectif, nous continuons à sentir que nous devrions nous exprimer peu, avec mesure, avec discrétion. Par ailleurs, les valeurs avec lesquelles nous avons grandi nous ont empêchées de développer les qualités nécessaires pour apprendre à nous exprimer publiquement.

Alors, comment prendre notre place ? Comment faire connaître notre travail et nos créations ? Comment être écoutée si on doit se taire ? Comment faire quand notre intérieur nous demande de crier et que la société nous conditionne à murmurer (ou d’accepter d’être considéré.e comme « hystérique ») ?

Vous l’aurez compris, mon but ici n’est pas d’apporter un jugement sur les traits de caractère de chacun.e. Je vous propose simplement de vérifier si ce que vous êtes et votre façon de vous exprimer sont alignés. Et si ce n’est pas le cas, je souhaiterais juste vous donner des pistes de réflexion et d’action.

Car oui, nous pouvons apprendre à nous exprimer.

Reportage réalisé par MaTélé pour l’émission “Réveillons-nous” en décembre 2020. (Lien vers l’émission ici: Réveillons-nous).

Il y a bien sûr des techniques. Vous pourriez les mettre en pratique sans rien changer en profondeur. A mon sens, cette voie risque de vous écarteler dans des émotions contraires et de vous enfoncer encore plus dans le syndrome de l’imposteur.

Par contre, des techniques accompagnées d’un travail sur soi, d’une prise de conscience plus profonde, plus vraie, auront un tout autre effet.

Parce que vous vous exprimerez de manière vraie, tel.le que vous êtes, au-delà de ce que l’on vous a inculqué ou de ce que la société attend de vous. Et que vous comprendrez que le respect de ce que vous êtes et le respect de l’autre peuvent aller de pair.

Parce que vous serez conscient.e que vous exprimer ne signifie pas être prétentieux.se. Parce que vous aurez compris que vous exprimer c’est être ce que vous êtes et l’assumer. Sans jugements. Sans comparaisons. Que s’exprimer, c’est partager. Que s’exprimer, c’est offrir.

Alors, et que diriez-vous si vous commenciez à vous exprimer vraiment ?