Le bol (chawan) pour la cérémonie du thé japonaise
Je reçois régulièrement des questions concernant les caractéristiques que devrait avoir un “vrai” bol à thé (chawan) pour la cérémonie du thé selon la tradition japonaise.
Je voudrais tout d’abord expliquer que le chawan répond, comme les autres objets utilisés lors de cette cérémonie, à une esthétique de la sobriété, de la simplicité et de la sérénité. Il ne s’agit pas d’un goût pour le design mais bien d’un reflet des valeurs philosophiques propres à une vision du monde imprégnée des principes du bouddhisme Zen. Dans ce sens, la pratique céramique ancrée dans la “Voie du Thé” (le Chadõ) vise l’élévation spirituelle de la personne (1). En Occident, cela pourrait nous étonner: en effet, nous considérons habituellement la matière et l’esprit comme étant opposés, voire antagonistes. Ce n’est nullement le cas en Orient et particulièrement au Japon, où tout aspect de la vie quotidienne peut être considéré comme un support pour une pratique spirituelle.
Par ailleurs, les adeptes du Zen s’inscrivent dans les rythmes de la Nature et ressentent “la mystérieuse impénétrabilité des choses” (yugen) dans tout ce qui les entoure. Cette vision du Zen rencontre au Japon l’animisme propre au shintoïsme qui considère que chaque élément de la nature est une force divine.
“Ces idéaux ont donné naissance à l’”élégante sobriété” qui est révélée par l’emploi des termes associés “Wabi” et “Sabi”, lesquels impliquent tout à la fois des notions de solitude, de tranquillité et d’usure du temps” (2)
Dans ce contexte de simplicité où chaque objet et où chaque geste s’ancre dans l’instant présent dans une recherche d’harmonie, la forme des bols à thé est définie par son usage: préparer le thé pour les invités et leur permettre de le déguster. Leurs formes et décors sont extrêmement divers et ont évolué avec les époques.
Toutefois, tous les chawans ont des caractéristiques communes. Comme le chawan doit pouvoir être tenu entre les deux mains, son poids et ses courbes doivent donc s’adapter aux paumes. La lèvre doit être douce au toucher. Le pied doit être stable et réalisé avec soin, tout comme l’endroit spécifique où le bol est essuyé avec la serviette, ainsi que le fond où il reste un peu d’écume de thé après la dégustation.
Concernant les dimensions, les chawans doivent être suffisamment profonds et larges pour que le thé matcha puisse être battu avec le chasen (un petit fouet en bambou) facilement et sans éclaboussures.
N’hésitez pas, si vous le pouvez, à participer à une cérémonie du thé: même en Europe, il est assez facile de trouver des maîtres de thé qui en organisent. Si vous êtes en Belgique, vous trouverez des infos sur https://www.urasenke.be/. Bonne découverte!
(1) Le maître de thé Sen no Rikyù écrivait que la Voie du Thé est “une discipline esthétique, basée sur la loi bouddhique, visant à atteindre le salut spirituel”.
(2) Catalogue “Japon, Saveurs et Sérénité”, Musée Cernuschi, 1995, p.35